Portrait n°2

6/04/2023

Maëlle Delavaud-Couëdel

Maëlle Delavaud-Couëdel vit et travaille dans la région nantaise. Elle a exploré différents domaines tels que l'illustration, la communication visuelle et le graphisme éditorial au cours de sa carrière professionnelle. Cependant, elle a décidé de créer sa propre voie en associant sa passion pour les images et la psychologie, ce qui a abouti à la création de Green Mama Art en 2019. À travers ses créations, elle s'efforce de donner vie à ce qui est invisible mais omniprésent dans notre vie quotidienne : nos émotions, sensations, souvenirs, personnalité, principes et valeurs. Elle utilise des symboles pour représenter ces concepts, créant ainsi des représentations à la fois uniques et universelles.

Qui es-tu ?

Je suis Maëlle Delavaud-Couëdel, alias Green Mama art, artiste nantaise de 35 ans.

Artiste contemporaine, peintre, illustratrice, graphiste… dans tous les aspects de mon travail, je suis passionnée par les symboles et leurs multiples couches de sens avec lesquels je peux jouer, métaphoriquement, pour parler de quelque chose de profond sans en avoir l’air. Le portrait est un sujet qui revient très souvent dans mes créations et que j’explore en profondeur en ce moment, dans un style à la fois réaliste mais également très organique, souvent de l’ordre du motif.

 

 

Cette dernière série a pour titre "Dryades, natures intérieures", comme ces nymphes qui, dans la mythologie grecque, naissent de l'arbre des Hespérides. Elle dépeint une nature humaine complexe, faite de transparence, d’opacité, de nuances et de contrastes, de ramification, branches, racines... En bref, l'humain qui fait partie du vivant, et dont le vivant fait partie.

Tout ça se matérialise dans des œuvres originales et tirages d’art, mais aussi dans la réalisation de portraits artistiques de commande, dans une démarche « d’empouvoirement » symbolique de la personne représentée.

Peux-tu nous raconter ton parcours et nous dire comment tu es devenue illustratrice et graphiste ?

Je ne viens pas d’une famille d’artistes. Petite, comme la plupart des enfants, j’ai commencé à dessiner et ça m’a plu… alors je ne me suis pas arrêtée !

À l’école, déjà, mes matières préférées étaient les Arts-plastiques et l’Histoire (J’aurais adoré avoir des cours de Psychologie ou de Sociologie !)
J’ai obtenu un BAC L option Arts-plastiques et enchainé sur un BTS design graphique (à l’AGR, l’école de l’Image, à Nantes).

Pendant mes années en école d’art, j’ai découvert et aimé le travail de la peinture.

Je me suis installée en tant que créatrice indépendante dès la sortie de l’école. J’ai fait un peu d’illustration jeunesse, puis j’ai laissé tomber mes pinceaux pour le graphisme éditorial et la communication graphique (ça payait mieux !). Je me suis beaucoup cherchée, autant en tant que personne que dans mes créations. Je crois que j’essayais de découvrir ce que l’on attendait de moi mais je ne me rendais pas compte que je perdais une énergie monstre à essayer de rentrer dans les cases, sans même prendre de plaisir.

La trentaine arrivée, et au fur et à mesure des remises en question, le besoin de créer quelque chose qui vienne vraiment de moi et me mettant en joie est venu toquer à ma porte. Alors, j’ai repris mes pinceaux.

Qu'est-ce qui t’a inspiré à créer Green Mama Art ?

Il y a quelques années, l’une de mes meilleures amies m’a demandé de devenir la marraine civile de son premier enfant. Pour le baptême, je voulais offrir à ce bébé une sorte de talisman porte-bonheur mais je n’en ai pas trouvé qui me plaise… alors j’ai ressorti mes pinceaux et je l’ai peint. Je l’ai appelé « Le talisman porte bonheur de Marraine la bonne fée – Protection, confiance, estime de toi ». Dans le style graphique c’était assez différent de ce que je fais maintenant, mais c’est de cette manière que je me suis autorisée à explorer le symbolisme dans mes créations. La première œuvre estampillée « Green Mama art » était née.

Comment tes expériences dans les domaines de l'illustration jeunesse et de la communication visuelle t'ont-elles aidées à développer ton propre chemin dans la création d'images en lien avec la psychologie et le symbolisme ?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les histoires, qu’elles soient imaginaires ou non. En tant qu’introvertie, j’ai développé par la force des choses de bonnes capacités relationnelles mais, encore maintenant, je suis quelqu’un qui a un monde intérieur très dense sur lequel il m’est parfois difficile de mettre des mots.

Mes expériences, autant en illustration jeunesse qu’en communication visuelle m’ont appris à mettre des images sur les mots des autres, mais aussi sur les non-dits (ce que l’auteur ou le client ne dit pas, mais qui est également très important pour faire passer son message d’une manière touchante, dans le sens « qui touche les sens et/ou la mémoire corporelle de celui qui regarde »). Je suis devenue plutôt douée à ce petit jeu, et c’est une capacité que j’utilise toujours lorsque j’ai des travaux de commande.

Après tout ça, il n’y avait qu’un pas avant que mes images ne commencent à exprimer mes messages à moi. Et ce pas, c’était surtout celui de donner l’autorisation de le faire.

Comment choisis-tu les symboles que tu utilises dans tes créations ?

J’ai appris beaucoup concernant les mécanismes du symbolisme par moi-même (livres, sites internet spécialisés…) et puis, en 2021, j’ai fait une formation d’un an en astro-mythologie appliquée à la psychologie humaine, avec l’autrice et bibliothérapeute Marie-Sélène. C’était passionnant d’y comprendre certains mécanismes de thérapie narrative. Notamment, la manière dont notre esprit peut se servir des symboles, en particulier dans l’art, pour projeter et se réapproprier sa propre image, sa propre histoire.

Quant à savoir quels symboles je choisis d’utiliser, j’ai récemment changé ma manière de travailler à ce sujet. Jusqu’à l’année dernière, je pensais beaucoup mes créations en amont. Du concept à la forme, jusqu’à la couleur, mes peintures étaient créées dans ma tête avant même le premier coup de pinceau. Je faisais beaucoup de recherches symboliques en amont. Tout était mentalisé.

Finalement, je faisais davantage de la « matérialisation technique » de ce que j’avais en tête, plutôt que de la création. Je ne me laissais jamais surprendre par le process.

Quand on ne prend du plaisir qu’en voyant le résultat accompli, mais que l’action de créer est difficile, voire douloureuse, tu imagines bien que ça demande énormément d’énergie. En tout cas, c’était très lourd pour moi et cette manière de faire a fini par me « bouffer » de l’intérieur.

Alors, l’été dernier, je suis repartie des bases et j’ai commencé à créer avec juste une vague idée en tête, sans but autre que d’y prendre du plaisir.

J’ai découvert un geste beaucoup plus fluide, et je me suis surprise en train d’ajouter des éléments symboliques au fur et à mesure que je peignais, et même de découvrir ce que j’étais en train de raconter après avoir peint !

Qui sait, mon esprit avait peut-être emmagasiné assez de matière symbolique pour se passer de toute cette mentalisation. La mémoire inconsciente, c’est merveilleux pour ça !

J’ai aussi compris à quel point c’était important de laisser aux symboles leur part d’interprétation personnelle. Tout le monde ne verra pas la même chose que moi dans mes peintures car, au-delà des symboles communs à l’Histoire de l’humanité, chaque être humain est différent et a son propre vécu, son propre regard sur le monde.

Peux-tu nous en dire plus sur ton choix d'utiliser principalement des techniques traditionnelles pour tes créations, et en particulier l'utilisation de la gouache ?

Pour moi, au-delà du visuel, le toucher à une grande importance. Une peinture c’est de la matière, elle a une présence, une « vibration »… c’est difficile à décrire avec des mots car c’est quelque chose que l’on ressent.

Aussi, cette matière a quelque chose de plus précieux, parce que, même si on peut la dupliquer numériquement, il n’y a qu’une seule œuvre originale.

Alors, c’est sûr, en numérique, on peut revenir en arrière, changer d’avis... La peinture, c’est davantage un « saut dans le vide », mais finalement, le fait de ne pas pouvoir revenir en arrière, ça évite de trop se poser de questions ! (Et tu as pu remarquer que je m’en pause déjà bien assez !!)

Quant à la gouache, j’en suis tombée amoureuse il y a 2 ans. C’est assez étrange que je ne l’aie pas découverte avant d’ailleurs, car c’est la technique de prédilection de beaucoup de créatifs qui travaillent en tradi dans le milieu de l’illustration. Mais j’ai appris l’acrylique pendant mes études d’art, et je m’y suis longtemps cantonnée.

Quand je m’en suis lassée, j’ai testé la gouache « pour voir », et ça a été une révélation ! Je prends beaucoup de plaisir à la travailler. Son rendu naturel, doux, mat, lisse et soyeux qu’elle soit travaillée en jus ou en pâte ; sa capacité couvrante ou transparente selon l’effet souhaité ; la possibilité de créer une infinité de couleurs ; son rendu qui me plait autant dans les parties maitrisées que dans le lâcher-prise…

J’ai tout aimé. De plus, je la trouve particulièrement bien adaptée au traitement de mon sujet : À mon sens, les couches successives de peintures et son infinité de nuances et de couleurs font écho à la complexité de la nature humaine et l’infinité de sa manifestation.

Contrairement à l’acrylique, le fait qu’il n’y ait pas de plastique dedans la rend vulnérable. Mais c’est aussi ce qui la rend précieuse. Et puis, bien protégée par son acolyte le cadre, elle passe l’épreuve des âges avec brio.

Dans quelques jours tu vas exposer pour la première fois tes créations sur L’Art est aux Nefs à Nantes dans la catégorie "émergent(e)". Que représente pour toi cet événement et quelles sont tes attentes ?

Avoir été sélectionnée pour faire partie des « Artistes émergeant » de cette édition est une étape symbolique pour moi, sur mon chemin venant d’un statut d’illustratrice/graphiste, vers celui d’artiste contemporaine à part entière.

Les œuvres originales encore disponibles de ma dernière série en date - « Dryades, natures intérieures » seront exposées, ainsi que des tirages d’Art. Je proposerai aussi la possibilité de me passer commande pour des portraits symboliques personnalisés.

À cette occasion, j’espère faire de belles rencontres, pouvoir échanger et partager mon travail et ma passion avec un public aussi curieux que sensible.

J’espère également avoir le temps de découvrir le travail d’autres artistes et en prendre moi aussi plein les yeux et le cœur.