Marie Laure Audouard
Marie-Laure Audouard vit et travaille en tant qu'illustratrice à Nantes au sein de l'Atelier 2 Bis. Elle a récemment décidé de se concentrer sur une démarche artistique personnelle, après plus de vingt ans à créer des maquettes graphiques pour la promotion et la vente de produits pour diverses structures. Elle a amorcé ce tournant avec sa série thématique sur les coquillages et les crustacés, explorant les détails anatomiques des animaux marins emblématiques de la région côtière en utilisant un procédé pointilliste numérique. Chaque illustration de cette série est composée de milliers de minuscules points et nécessite des semaines d'élaboration. L'impression en grand format et la monochromie sont les marques de fabrique de cette série actuellement en cours de création.
Qui es-tu ?
Une cinquantenaire du nord-ouest de la France, très ancrée dans ce large territoire, tout en aspirant à l’exploration d’un ailleurs.
Une graphiste expérimentée et depuis peu une illustratrice indépendante. C’est cette seconde activité qui aujourd’hui me stimule par l’espace de liberté que j’y trouve.
Peux-tu nous raconter ton parcours et nous dire comment tu es devenue illustratrice ?
Je ne suis pas à proprement parler illustratrice dans la mesure où les détails qui composent chaque illustration m’intéressent presque davantage que le sujet représenté. Je ne m’interdis pas non plus d’explorer d’autres procédés et thèmes, qui pourraient même donner lieu à des visuels abstraits à l’avenir, ce que je commence à aborder avec des impressions de fragments en grand format.
Qu'est-ce qui t’a poussé à te lancer dans une production personnelle ?
J’ai toujours aimé l’idée de servir un projet par mon travail graphique mais j’ai fait le constat douloureux à un moment donné que ma production était complètement formatée et interchangeable. Les missions qui m’étaient confiées m’intéressaient moins, j’avais besoin de me renouveler.
J’ai dû revisiter mon parcours pour y trouver une réponse, la nécessité de m’engager dans une production personnelle est alors devenue claire.
L’émergence d’une génération de jeunes faiseurs, avec des propositions libres et créatives, également très à l’aise avec les outils numériques m’a inspirée et aidée à m’ouvrir à d’autres possibilités.
Aujourd’hui je fais mes propres choix artistiques, et c’est savoureux.
Comment la thématique des coquillages et crustacés a-t-elle influencé le tournant dans la production de tes œuvres ?
Je me devais de faire un pas de côté pour ne pas être tentée de céder à la facilité. Avant d’opter pour ce thème et de commencer cette série, je me suis posé deux questions.
Comment parler de nos territoires côtiers ?
Par quel moyen est-il possible de produire des illustrations classiques et durables ?
Les planches anatomiques réalisées par Ernst Haeckel au XIXème siècle avec ses illustrations naturalistes, ont été une importante source d'inspiration pour
tenter d’y répondre. La faune océanique, dans sa diversité est précieuse et elle est aujourd’hui fragilisée par un écosystème dégradé.
En constituant une collection actuelle de spécimens marins, je souhaite œuvrer à leur redécouverte, des plus emblématiques et familiers aux moins visibles.
Ma production est actuellement concentrée sur ce sujet, et même si je commence à avoir d’autres envies, je souhaite prolonger cette thématique.
Quel procédé utilises-tu pour créer tes illustrations et d’où te vient ton inspiration ?
Un procédé complètement numérique.
Au cours de l’élaboration de la première illustration (le homard bleu), j’ai réalisé un bon nombre d'expérimentations entre photographie, photomontage, illustration et gravure.
La résultante de ce processus a été l’élaboration d’une technique de dessin numérique au point avec une base photographique qui n’est plus du tout apparente au stade du rendu final.
Les images que j’aime regarder sont surtout des éditions anciennes, une imagerie un peu « old school ».
Les productions actuelles m’intéressent aussi, mais elles m’inspirent moins directement dans ma production.
Combien de temps prend la réalisation d'une illustration et comment est-elle construite ?
C’est variable mais toujours très long.
Pour chacune des illustrations, chacun des points est positionné un à un, ce qui induit des temps de production très longs, nettement en marge des rythmes conventionnels.
Ce qui conditionne la durée, c’est la taille du point utilisé et les dimensions du fichier de travail. La coquille Saint-Jacques et le bulot ont été produits sur une durée de trois ou quatre mois alors que la langoustine l’a été en moins d’un mois, c’est variable. La production n’est pas « normalisée ».
Ce qui ne change pas c’est le principe de travail, c’est-à-dire une silhouette d’une couleur unie sur laquelle sont positionnées une succession de petits points blancs qui vont donner au choix : reliefs, contours, aspérités et lumières.
Même la pilosité des petites pattes est traitée en points, ce qui m’amuse beaucoup.
Passer un volume d’heures important sur un sujet amène nécessairement à observer par le détail. Ces détails, je les trouve fascinants, ils sont différents pour chaque animal, de petites espèces parasites se développent sur les coquilles, j’éprouve un vrai plaisir à les accentuer.
C’est au stade de l’impression, réalisée en ton direct que la couleur est donnée. J’ai créé un nuancier de cinq teintes qu’il est possible de retrouver d’une illustration à l’autre sur les petits formats.
Dans quelques jours tu vas exposer tes créations sur L’Art est aux Nefs à Nantes. Que représente pour toi cet événement et quelles sont tes attentes ?
J’ai été visiteuse à plusieurs reprises de « l’Art est aux nefs » les années précédentes. J’ai aimé la grande diversité des propositions sur place, la possibilité d’échanges avec les exposants, l’ambiance décontractée du lieu.
Lors de mon dernier passage l’année dernière, j’avais une curiosité plus marquée qu’auparavant du fait de ma nouvelle activité.
La possibilité de se frotter au regard d’autrui et d'échanger au sujet de son travail, c’est très stimulant. J’aimerais par cette participation, faire mieux connaitre ce projet et mon activité d’illustratrice indépendante.